SI VOUS AIMEZ LE JAZZ… (01)

SI VOUS AIMEZ LE JAZZ…


J’admets, un tantinet bateau le titre de base…
Je reconnais que c’est vrai, je parle pas mal jazz ces derniers temps.
Et puis, je sais que certains attendent (ou pas) la suite pour Dave (Sanborn) de compil’s – qu’elles et ils soient non rassurés (en ce moment côté inquiétude Macron a fait tout ce qu’il fallait, stratège jusqu’auboutisme qu’il est), mais certains que Dave sera largement mis à l’honneur ici plus tard, dans le blog.

Bon, si vous aimez le jazz, voilà des playlist – pas compil’s, je réserve cet adage à une thématique, c’est plus pratique -  que vous pourrez à choix multiples tenter…
Apéro entre amis,
Repas amoureusement préparé,
Trajet en voiture nécessitant un peu de pluralité,
… enfin, à chacun son jazz…
Et comme me l’a souligné, l’autre jour un gars en terrasse : « ah vous allez jouer du jazz ? super, j’aime ça quand ça accompagne, tranquille, un (bon) repas, ambiance cool, etc. »
Comment voulez vous vous défaire d’une telle « image » ?...
J’entre pas dans ce débat, qui aurait été lancé – hmmm…

Bref le jazz, musique engagée… ou d’ambiance ascenseur…
Rude.

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PLAYLIST 01.

- 01. HANK MOBLEY « I Should Care » / Album « Another Workout » - Blue Note 1961.

Accompagné par un trio de luxe, W.Kelly, P.Chambers, P.Joe Jones, et en guest G.Green, Hank Mobley, au son généreux, au phrasé soyeux, au feeling instantané s’empare d’une des plus belles balades du répertoire.
Il chante la doucereuse mélodie, de son ténor voluptueux, assis sur son tabouret, taillé en costard et installé nonchalant, à l’angle de la scène du club.
Philly Joe est en pause et a sorti les balais, il est concentré sur un tempo mi lent et observe la gente féminine qui se laisse porter par cette infinie douceur.
Wynton égrène quelques chapelets de lumière et Joe Chambers lorgne en permanence vers un solo en contre chant.
Tout coule de source…
Tout semble si aisé…

Et pourtant.

- 02. JIMMY SMITH « Mimosa » / Album « Off the Top » - Elektra 1982.

Le soleil décline, la douceur du vent d’été caresse les cheveux des filles accoudées qui dégustent le Ruinart cristallin et rafraichissant…
George (Benson) joue l’épate avec quelques traits précieux d’aisance et Jimmy va engager le même amusement…
Grady (Tate) et Crusher Bennet fourmillent d’idées - percussives et drummées…
C’est souple, chargé de grandeur, détendu et pourtant incroyablement « virtuose », tout ça avec les sourires charmeurs et l’amitié la plus profonde entre eux…
Ce titre…
Cet album…

03. GEORGE BENSON « Shape of things that are and were » / Album « Shape of things to come » - CTI 1968.

Ici tout est somptueux…
Le casting instrumental qui met en valeur le délicat George Benson soutenu par cet orgue (décidément l’adéquation jazz guitare demi-caisse et orgue reste un critère imparable) – Charles Covington.
Les arrangements de Sebesky enrobent cette coolitude classy de façon indolente avec juste ce qu’il faut de pêche pour réinjecter une souple énergie de circonstance.
Le swing porté par ces tailleurs de jazz est implacable autant qu’imparable.
On en oublierait presque que ça, c’est… simplement un bon gros blues
Mais où avais-je la tête ?...

04. DEXTER GORDON « Body And Soul » / Album « Manhattan Symphony » - CBS 1978.

Une playlist de jazz sans Dexter, toutes époques confondues m’apparait comme impossible.
Tavernier l’avait choisi pour représenter, quelque part, l’archétype du musicien de jazz et cette image, tant que l’esprit qu’il dégage dans son jeu musical (mais également chez Tavernier, d’acteur) est le gant parfait dans lequel il glisse toute sa vie, sa personnalité et son être.
Dexter aura joué tout ce qui peut se qualifier de « standard » et peu importe lequel, ses versions son juste d’imparables vérités.
Le temps passe, Dexter reste un emblème, une évidence et ceux qui, comme ici auront eu la chance et le bonheur de participer à sa musique auront donné le meilleur.
George Cables, Rufus Reid, Eddie Gladden… qu’en dire ?
Just perfect…

05. BOBBY MCFERRIN « Moondance » / Album « Bobby Mc Ferrin » - Elektra 1982.

De Bobby McFerrin on sait avoir retenu ses hallucinantes performances vocales en solo (« The Voice », un album incontournable) mais il faut s’intéresser à ce début plus que prometteur où bien évidemment il va improviser et arracher notre attention sur ce standard de Van Morrison qui fait partie des usuels « pop » de nombreux jazzmen.
Il s’offre un remake de cuivres vocaux en re recording… histoire de…
Et un super groupe avec Victor Feldman piano, John Guerin batterie et Bert DeCoteaux à la basse.
Ca swingue comme rare, ça chante comme lui seul, ça promettait et c’est intéressant de le rappeler juste en écoutant ce démarrage qu’il fit, en douceur.

06. MICHAEL FRANKS « Eggplant » / Album « The Art of Tea » - Warner 1975.

Finalement Michael Franks, lui aussi figurant parmi les favoris « pop » repris en jazz reste un autre emblème de ce jazz fait pop, de ce jazz à la rock Calif’…
Son premier album l’a largement positionné comme tel, classieux et charmeur à souhait.
Ici le L.A Express se mélange avec les Jazz Crusaders, autrement dit les deux meilleurs groupes d’un genre pas encore défini fusion - petits blancs d’un côté, blacks engagés de l’autre - font une pause musicale au service de ce gars tranquille, racontant la vie sur fond de Fender Rhodes, sur guitare (rare fait que Carlton soit acoustique) entêtante, sur swing de basse soutenue et sur un jeu absolument renversant de drums (le drive du refrain par Guerin est incommensurable).
La vie de tous les jours…
La coolitude d’un jazz qui se croise pop et qui au fil de l’album ira chasser le groove et draguer au Brésil.
Addictif…

07. CANNONBALL ADDERLEY « Clouds » / Album « Cannonball’s Bossa Nova » - Riverside 1963.

Le Brésil, justement…
Le penchant sax alto, là où Getz a inscrit le ténor dans notre mémoire collective…
Cannonball jette tout son phrasé bop sur cette langueur et la sauce prend directement, son solo en témoigne, rapide, véloce, technique, sensuel, épatant…
Le background reste de marbre et défile ses méandres harmoniques permettant sur cette pseudo rigueur un jeu d’une nouvelle expression par ces solistes d’un genre qui sera nouveau, sur cette vague nouvelle qui déferle et à laquelle aucun musicien de jazz d’échappera…
La Bossa Nova…

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Voilà, 45 mn…
La face A de la K7 attend son clic d’autoreverse.
Le bruit des conversations prend son pouvoir…
Il est temps d’enclencher la face B.

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01. LEE RITENOUR « Blue In Green » / Album « Stolen Moments » - GRP 1990

Le merveilleux Alan Broadbent ouvre le champ libre de cet incontournable davisien et Lee vient s’immiscer dans le labyrinthe des méandres du piano.
Il faut alors entrer en adoration du jeu si caractéristique de chant que Ernie Watts va injecter.
Patitucci et Mason respirent et Lee va emplir de délicatesse cet espace offert.
C’est beau, généreux, d’une classe absolue… et d’une rare écoute (le solo de Broadbent, un modèle de jeu in et out du rythme… délicieux).

02. JACK TEAGARDEN « Basin Street Blues » / Album « Mis’ry and the Blues » - Verve 1961.

Le blues, justement, avec cette touche Nouvelle Orléans, fatale, fatidique, inséparable, ce swing qui s’enterre profondément dans son sol…
Ce sera l’occasion de remettre à l’affiche, le temps de ce standard incontournable du blues/jazz, du jazz/blues le grand tromboniste Jack Teagarden ici dans un contexte « pur jus », clarinette reptilienne et trompette en « Louis mode » à l’appui.
Dieu que j’aime ce titre joué ici et ainsi.
Il correspond pour tant de points à ce que le mot jazz représente pour moi.

03. STAN GETZ « Lover Man » / Album « The Master » - Sony 1974.

Comme Dexter, une playlist jazz sans Stan ne semble pas crédible.
Faire partir, en « laissant croire » qu’on reste dans une balade ce thème, juste par un phrasé somptueux de tranquillité apparente, alors qu’il envoie une vélocité digne du bop… il n’y a bien que lui qui sache le faire avec autant de désinvolture et d’aisance.
On se laisse alors emporter par ce haut degré de jeu (Albert Dailey au piano…) qui pourtant n’envahira jamais et restera toujours tant libre que contenu.
A ce niveau c’est presque une science…
Clint Houston et Billy Hart respectivement Basse et Batterie.

04. DUKE ELLINGTON & JOHNNY HODGES PLAY THE BLUES « St. Louis Blues » / Album « Back To Back » - Verve 1959.

Le chef et son premier de cordée croisent le blues, véridique, authentique, surfent presque boogie, balancent un swing d’enfer, tout en retenue positive, en feeling dévastateur.
Ca gémit, ça gueule, ça caresse, ça bifurque, ça endiable, ça pleure, ça mâchouille en sax de velours, ça riffe combo en place de Big Band et entête à n’en pas finir…

1959… et la ride n’est même pas visible, ces gars là sont immortels.

05. BOBBY HUTCHERSON « Oye Como Va » / Album « Montara » - Capitol 1975.

Il faut toujours un moment pour se déhancher, danser un peu, lâcher bride et prise rythmiquement et partir en fête, ou festoyer…
S’il est un standard latino célébrissime c’est bien ce truc improbable sur deux accords et avec trois phrases en mode « salut les gars, ça va ? », « ouais, du moment que le rythme m’embarque alors tout va… ».
Carlos l’a positionné essentiel et tant d’autres en ont fait leur affaire, permettant avec ce mouvement obsessionnel de laisser juste parler… le corps…

06. ALDO ROMANO « T’ho Voluto Bene » / Album « Non Dimenticar » - Decca 1993.

Oui, finalement tout peut être joué en jazz…
La chanson italienne, française, peu importe, c’est juste une question de prise en compte, d’inscrire un patrimoine qu’on peut qualifier de standard et lui donner ce blason, cet empaquetage swing et comme le fait un grand chef quand il s’empare d’un traditionnel basique de la cuisine que tous savent réaliser, apporter la seule et unique touche de grâce qui va tout changer, chambouler….
Et là, on fait de la très grande cuisine…

07. PAUL DESMOND « Angel Eyes » / Album « Glad to Be Unhappy » - RCA 1965.

Echappé du quartet de Dave Brubeck, Paul Desmond avec sa sonorité fine, quasi-clarinettiste, a une carrière tant soliste que de sideman des plus prolifiques et intéressantes.
Si la curiosité vous pousse à tenter de le chercher ailleurs que dans le quartet célébrissime où son jeu semble être, bien au-delà des transgressions rythmiques du leader pianiste, la véritable identité sonore, s’arrêter sur cet album au titre évocateur et dont cet « Angel Eyes » là encore tellement joué, semble usuel, est une belle expérience à faire.
Jim Hall n’est pas pour rien dans l’infinie douceur qui émane de ce fil bluesy si subtil qui s’exprime ici, déchargé de la moindre lourdeur pianistique qui permet au soliste une plus belle liberté d’expression…

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La K7 est terminée…
environ 90 mn de menu plaisir, quelques petits fours et autres mignardises…
la sonorité cristalline des coupes de champagne s’est mêlée aux discussions feutrées qui ont été incitées par cette musique d’une absolue détente, quelques voix ont bien tenté d’éclater avec rires et gestique, mais très vite l’ordre musical a lissé tout cela pour une « ambiance » des plus reposantes…

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Il y en aura d’autres…


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